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Le Yeux d'Elsa Louis Aragon. (1897 - 1982)







Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire
J'ai vu tous les soleils y venir se mirer
S'y jeter à mourir tous les désespérés
Tes yeux sont si profonds que j'y perds la mémoire

À l'ombre des oiseaux c'est l'océan troublé
Puis le beau temps soudain se lève et tes yeux changent
L'été taille la nue au tablier des anges
Le ciel n'est jamais bleu comme il l'est sur les blés

Les vents chassent en vain les chagrins de l'azur
Tes yeux plus clairs que lui lorsqu'une larme y luit
Tes yeux rendent jaloux le ciel d'après la pluie
Le verre n'est jamais si bleu qu'à sa brisure

Mère des Sept douleurs ô lumière mouillée
Sept glaives ont percé le prisme des couleurs
Le jour est plus poignant qui point entre les pleurs
L'iris troué de noir plus bleu d'être endeuillé

Tes yeux dans le malheur ouvrent la double brèche
Par où se reproduit le miracle des Rois
Lorsque le coeur battant ils virent tous les trois
Le manteau de Marie accroché dans la crèche

Une bouche suffit au mois de Mai des mots
Pour toutes les chansons et pour tous les hélas
Trop peu d'un firmament pour des millions d'astres
Il leur fallait tes yeux et leurs secrets gémeaux

L'enfant accaparé par les belles images
Écarquille les siens moins démesurément
Quand tu fais les grands yeux je ne sais si tu mens
On dirait que l'averse ouvre des fleurs sauvages

Cachent-ils des éclairs dans cette lavande où
Des insectes défont leurs amours violentes
Je suis pris au filet des étoiles filantes
Comme un marin qui meurt en mer en plein mois d'août

J'ai retiré ce radium de la pechblende
Et j'ai brûlé mes doigts à ce feu défendu
Ô paradis cent fois retrouvé reperdu
Tes yeux sont mon Pérou ma Golconde mes Indes

Il advint qu'un beau soir l'univers se brisa
Sur des récifs que les naufrageurs enflammèrent
Moi je voyais briller au-dessus de la mer
Les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa.




Tus ojos son tan profundos que inclinandome para beber
Yo vi a todos los soles venir a contemplarse
Arrojarse a morir a los desesperados
Tus ojos son tan profundos que en ellos pierdo la memoria

A la sombra de los pájaros está el océano agitado
De repente el buen tiempo surge y tus ojos cambian
El estío talla la nube en el mandil de los ángeles
Nunca es el cielo tan azul como lo es sobre el trigo

El viento persigue en vano las penas del cielo azul
Tus ojos más claros que él cuando una lágrima brilla en ellos
Tus ojos ponen celoso al cielo tras la lluvia
Nunca es tan azul el vidrio como cuando se quiebra

Madre de los siete dolores oh, luz mojada
Siete espadas han atravesado  el prisma de colores
El día es más desgarrador despunta entre las lágrimas
Fresado en negro el iris más azul por el luto

En el dolor tus ojos abren la doble brecha
Por donde se repite el milagro de los Reyes
Cuando vieron los tres —su corazón latiendo—
El manto de María colgado en el pesebre

Una boca abastece a mayo de palabras
Por todas las canciones y todos los suspiros
Muy poco firmamento para millones de astros
Les faltaban tus ojos y sus gemelos íntimos

El niño acaparado por las bellas imágenes
Abre mucho los suyos menos grandiosamente
Cuando fijas los ojos yo no sé si tú mientes
Parece un aguacero que abre flores silvestres

Quizá ocultan relámpagos en la lavanda donde
Los insectos deshacen sus amores violentos
Estoy preso en la red de las estrellas fugaces
Como un marino que muere en el mar en agosto

Partiendo la pechblenda  he obtenido este radio
Me he quemado los dedos en el fuego prohibido
Oh, paraíso cien veces recobrado perdido
Tus ojos mi Perú mi Golconda mis Indias

Sucedió que una noche se quebró el universo
Sobre los arrecifes de hogueras de piratas
Y yo veía brillar por encima del mar
Los ojos de Elsa los ojos de Elsa los ojos de Elsa

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